- Sommaire et éditorial 1
- Jeanne Floc’h, ou l’utilité démontrée de la généalogie, par Gilles Cardinal 2
utilité de la généalogie aujourd’hui au service des générations futures, ou quand la mémoire familiale trop ancienne, accentuée par une transmission uniquement
l’histoire au point de lui donner une toute autre version.
Ce titre bien trop long, dont je suis plutôt fier mais qui est vraiment trop long, est en quelque sorte la réflexion que je me suis faite un vendredi soir.
Tout commence sur un réseau social, dans un groupe de passionnés consacré à la ville de Brest et à son Histoire. Une femme a fait le déplacement de la Lorraine jusqu’à la pointe du Finistère pour y jeter une bouteille à la mer. Peut-être pense-t-elle que si la terre s’arrête ici, quelque chose d’autre, comme un espoir, commence ? Ce SOS est le cri d’une arrière-petite-fille d’un soldat américain qui connut une femme à Metz en 1945. Elle cherche à savoir qui est son arrière-grand-père et tout ce qu’elle possède, c’est une photo.
Jeanne Gabrielle Floch en 1921Photo de Passeport National Archives and Records Administration
Les Brestois, altruistes et philanthropes, relaient le message. Les associations de mémoire Franco-Américaine sont très actives à Brest, alors pourquoi pas ? L’espoir fait vivre, et cette femme en a visiblement beaucoup, mais à part des témoignages d’encouragement et de soutien, aucune piste.
C’est alors que René intervient. Lui, c’est une grand-tante qu’il aimerait retrouver, elle est Brestoise et a épousé un marin américain à Brest en 1917. Ils sont partis aux USA après la Première Guerre mondiale, et d’après les recherches infructueuses d’un cousin, la famille aurait vécu à Seattle. Il ne connaît pas son prénom, mais son nom de jeune fille : Floch. Des Floch / Floc’h, dans le pays de Brest, en Finistère et en Bretagne, il y en a des pages entières dans les annuaires. Cette femme était la sœur jumelle du grand-père de son épouse, Charles Floch, né à Lambézellec en 1894, ces informations sont garanties…
Je me propose de chercher, nous entrons en contact, et l’ami René, car désormais nous nous tutoyons, s’empresse de rassembler les archives familiales ; il me confirme ses éléments… Mais cela ne colle pas.
Il y a bien un Charles Floch né à Lambézellec en 1894, il a une sœur jumelle, Marie Isabelle, mais elle disparaît au domicile familial à l’âge d’un mois. René est pourtant certain, la mémoire transmise de génération en génération est formelle, ou presque, car il commence à douter. Il appellerait bien le cousin, mais il est un peu tard. Je regarde du côté des femmes « Floch » mariées entre 1917 et 1921 (date à laquelle les derniers américains ont quitté Brest). J’élimine d’emblée une Jeanne Floch mariée avec un Abgrall (pur produit breton) ; il reste trois hommes ayant des patronymes aux consonances exotiques, en tout cas extra bretonne : un dénommé Mastek, quartier-maître mécanicien dans l’US Navy d’origine autrichienne, mais son épouse est de Plouarzel, j’élimine. Vient le tour d’un Kniat,
c’est un Polonais qui n’a aucun rapport avec l’US Navy. Enfin, Jeanne Gabrielle Floch, née à Lambézellec, mariée à Clarence Remey (Ramey), chef mécanicien dans l’US Navy, bel et bien Américain, car né dans l’Arkansas. Ce couple s’est marié à Lambézellec en 1920.
- Les Hélie et Geffroy, constructeurs des vaisseaux du roi à Brest, par Jean-Paul Pronost 5
Cet article tente d’apporter un éclairage sur deux familles de constructeurs de Brest : les Hélie et les Geffroy
La période concernée est la fin du règne de Louis XIV et le début de celui de Louis XV, et se caractérise par un faible volume de constructions neuves.
Ces familles vont travailler à Brest dans l’intervalle entre la génération des maîtres charpentiers Hubac et Pangalo et celle des ingénieurs constructeurs Ollivier et Groignard. Ces derniers
construiront les vaisseaux de la guerre d’indépendance américaine.
- Les charpentiers dans l’organisation de l’arsenal
Les charpentiers représentaient à l’époque environ 40% des ouvriers affectés à la construction des navires. Ils sont en bas de la hiérarchie de l’arsenal décrite dans l’ordonnance de 1689.
Dans cette organisation, imaginée par Colbert du Terron, l’intendant a un rôle primordial, assisté par les commissaires et les écrivains : une vraie bureaucratie qui gère les activités de I’ arsenal.
Cette organisation va durer jusqu’en 1765.à partir de 1695, les maîtres constructeurs remplacent les
maîtres charpentiers dans les tâches de conception et accèdent à la direction des travaux de charpentage. Etienne Hubac, maître constructeur obtient la direction des constructions et des
radoubs à Brest en 1717. Jean Hélie le remplace en 1726.
- Bals clandestins dans le Finistère pendant l’occupation allemande, par Pierrick Chuto 17
Trégourez. Mardi 24 février 1942. Bien qu’il ne soit que cinq heures de l’après-midi, il fait déjà nuit. Au dehors, la neige tombe en abondance mais, dans le restaurant de Mme Le Berre, née Anna Briand, la température est tropicale. Les visages des soixante convives sont rubiconds et beaucoup éprouvent
quelques difficultés à entonner les airs à la mode. Auraient-ils trop arrosé tous les mets servis à l’occasion des noces de Gabriel Donnart et Catherine Paugam ? Avachis sur leurs chaises, les
anciens regardent quelques jeunes gens qui poussent les tables afin de dégager assez d’espace pour danser. Un peu d’exercice ne peut que faciliter la digestion, n’est-ce pas ?
Mais Mme le Berre ne l’entend pas de cette oreille. La veille, les futurs mariés, à défaut d’avoir trouvé une salle de bal, sont venus lui demander l’autorisation de danser chez elle.
Non, leur a-t-elle répondu, mon mari étant prisonnier, je ne supporterai jamais qu’on danse chez moi. Mais aujourd’hui, que peut-elle faire en face de toute cette jeunesse insouciante qui veut oublier son triste quotidien et s’amuser au son de l’accordéon d’Henri Cavalloc, l’un des invités ? Après moult fox-trots, tangos et autres danses dites exotiques, il est temps de faire honneur aux agapes du soir. Ces dernières vite englouties, les plus acharnés veulent de nouveau s’élancer vers 23 heures sur
la piste improvisée.
Cette fois, Mme Le Berre s’y oppose fermement et échange des propos peu amènes avec le frère du marié qui, selon elle, serait le boute-en-train de la noce. Le marié lui montre un papier rédigé en allemand et signé par le capitaine de la Standortkommandantur de Châteauneuf-du-Faou.
Par ce document officiel, l’occupant autorise le couple et ses invités à danser jusqu’à deux heures du matin. Mais Mme Le Berre, n’ayant aucune autorisation préfectorale, congédie les convives et passe une mauvaise nuit, car elle ne sait que trop ce qui l’attend.
Trois jours plus tard, en effet, deux gendarmes de la brigade de Briec frappent à sa porte. Ayant appris par une personne qui tient à garder l’anonymat qu’un bal a eu lieu chez elle, ils viennent l’interroger.
Après avoir également questionné les mariés qui protestent de leur bonne foi, les gendarmes dressent procès-verbal à la restauratrice pour infraction à l’article 1er de l’arrêté préfectoral
en date du 25 juillet 1941 interdisant les bals. Le juge va décider de l’amende à lui infliger et de la période pendant laquelle elle devra fermer son établissement
1 La fermeture était de 15 jours ou d’un mois, mais pour cette affaire je n’ai pas retrouvé la sentence..
Lambert Péron joueur de bombarde, par Vincent Soubigou p. 24
Cette compétition s’est déroulée dans le cadre plus large d’un grand concours d’harmonies et de musiques militaires, venues de toute la France. Cependant, celui de binious a été organisé rigoureusement et a remporté un succès considérable, comme en témoigne cette couverture du Monde illustré, hebdomadaire parisien, du 24 août 1895.
Par ailleurs, un article de La Dépêche de Brest daté du 13 août 1895 nous livre un témoignage précieux et très détaillé du concours de binious. Il permet de constater l’engouement populaire pour les sonneurs, qui défilent dans les rues de Brest précédés de Plougastellen costumés portant des bannières, comme une préfiguration du festival des cornemuses
En outre, le journaliste indique le palmarès complet des deux concours (le premier concerne tous les couples, le second, « concours d’honneur », ne concerne que des solistes repérés pendant le précédent.
On connaît également les prix remportés par chacun des participants, du réveille-matin au bon pour une photographie.
Lambert est retenu pour le concours d’honneur, auquel il finira quatrième, devant un certain Léon
(Bras ? Deux frères Guillaume, dit Braz, et François, dit Bihan) de Carhaix. Cet article est reproduit in extenso en annexe.
Pour être complet, précisons qu’une compétition similaire a eu lieu à Brest en 1905, toujours au sein
d’un grand concours d’harmonies. Pour cette édition, La Dépêche s’est montrée plus laconique, indiquant simplement le palmarès :
PlàCK DE LA IIBKhTÉ
Binious et bombardes. Prix d’honneur ave félicitations MM. Louis et Maurice Le Bihan, de Guissény 1er prix. ex-quo MM Kerhoas et Ménez de Lambézéllec, et Quèméneur et Henry, de Saint-Marc ; 2* prix, MM. Mocaer et Goulaouic, du Faou.
Pour en revenir à l’année 1895 et à la photographie des couples de sonneurs, les auteurs de l’ouvrage cité plus haut précisent que l’un des participants, Alain-Pierre Guéguen a été enregistré cinq ans plus tard à Paris, pour l’Exposition
Universelle de 1900.
Or, six ans plus tôt, en 1889, la capitale en avait déjà accueilli une, celle du Centenaire de la Révolution, pour laquelle on avait érigé la Tour Eiffel.
Le Concours de musiques pittoresques – Paris, 1889
- Le tribut d’une galaxie familiale à la défense nationale au XIXe siècle, par Michel Quelennec 37
Les obligations militaires ont été plusieurs fois revisitées tout au long du XIXe siècle. De la conscription générale en 1798, on est passé par différents régimes de tirage au sort avant de revenir à un service militaire obligatoire en 1872, mais la véritable conscription universelle n’arrive qu’en 1905 avec une durée de deux ans pour tous. De retour chez eux, ceux qui ont fait leur « congé »1 ont une idée plus claire de ce qu’est la Nation et savent que leur langue est minoritaire.
J’ai voulu sortir de l’oubli mes lointains cousins mobilisés en faisant feu de tout bois.
Sur les incorporés après 1860, on dispose d’une base solide avec leur fiche matricule accessible sur la base Récif du Centre Généalogique du Finistère.
Un grand nombre de matricules napoléoniennes sont également numérisés.
Pour ceux qui, entre ces deux périodes, ont l’âge de faire leur service militaire, il a fallu se contenter des autres sources qui n’existent pas toujours. Certains sont restés dans l’ombre.
La loi Jourdan et les guerres d’Empire
Le 19 fructidor an VI (5 septembre 1798), la loi Jourdan instaure un service militaire d’une durée de cinq ans, obligatoire pour tous les hommes non mariés de 20 à 25 ans.
Universelle au départ, la conscription est tempérée le 8 nivôse an XIII (29 décembre 1804) par le tirage au sort de seulement un tiers des hommes valides. Sont dispensés les chétifs, les difformes, les sourds, les mal voyants, les scrofuleux… et les petits (moins de 1,54 m). Les orphelins, les fils de
veuve et ceux qui ont déjà un frère sous les drapeaux sont eux aussi exemptés.
Cette loi augmente le nombre de mariages, qui sont un moyen imparable d’échapper à la conscription.
Olivier Généreux Cabioch, né le 24 avril 1778, se marie à Roscoff le 30 pluviôse an VIII (19 février 1800).
Le mariage triple, qui met de l’animation chez les Péron, au moulin de Kernabat, le 1er thermidor an X (20 juillet 1802), a aussi à voir avec cette loi. Ce jour-là, deux des mariés sont assurés d’échapper au service militaire. Jean Louis Péron, né le 5 octobre 1773, époux de Marie Jeanne Larvor, n’est pas
concerné, mais son frère François, né le 8 mars 1781, marié avec Jeanne Le Bras, jeune fille de 26 ans, l’est, ainsi que Guillaume Le Guern, né le 20 octobre 1778, époux de Françoise Péron, veuve de 31 ans…
La levée en masse qui suit la retraite de Russie en 1813 entraîne les mêmes comportements. Dans la France entière, le nombre des mariages est multiplié par trois.
1 Faire son congé : faire son service militaire .
- Faits divers, faits d’hier 43